(suite 2 du chapitre précédent)


II/ L'ABOUTISSEMENT DE L’EXPERTISE, UN PRÉSAGE SUR L’ISSUE DU PROCÈS


Comme l’énonce un dicton, « les juges font plus confiance aux experts qu'ils en font à la justice » est-ce à dire que les expert font la justice ?

Si en matière civile le pré-rapport est obligatoire et conditionne de facto le rapport final, la contre-expertise quant à elle n'est pas admise. Les conclusions du rapport d'expertise sont ainsi souvent déterminantes pour l'issue du litige : même si le juge conserve son pouvoir d'appréciation, il s'en remet le plus souvent à l'avis du technicien dans des dossiers très techniques. En effet, même si l'expert n'est pas  habilité à dire le droit et doit se cantonner aux aspects techniques du dossier (A), il n'en demeure pas moins que parfois il est assez délicat d'apprécier les éléments techniques sans les relier aux obligations contractuelles des parties (B).

A°)  LA QUALIFICATION TECHNIQUE DES DÉSORDRES


Cette qualification relève de l’apanage de de l’expert. En fait, elle n’est autre que la conclusion de l’expertise. Par ailleurs c’est la seule qui puisse être faite par l’expert en ce qui concerne la qualification des désordres.
Quoique cette qualification n’incombe quasiment pas en fonction l’avocat, celui-ci pour l’intérêt de son client  ne doit pas pour autant négliger cette étape de la procédure car l'expertise n’est pas toujours exempt d’erreur ou de manquements même si elle est confiée à une personne ayant acquis, par sa formation de base et son expérience , les compétences  indispensables à la compréhension des causes d'un désordre pour en définir les remèdes. C’est justement pour cette raison que l’avocat doit rester vigilant quand bien mêmes qu'il s'agisse d'un travail de l’expert ; l’avocat doit aussi procéder  la qualification technique avec son technicien afin de confronter les résultats à l’issue. A la fin d'une expertise judiciaire, toutes les parties participante ont droit au rapport qu’a rédigé l’Expert.

Généralement ce rapport se présente sous forme d'un pavé comportant l'avis de l'expert (généralement au début) et une copie de tous les documents qui ont été échangés.
En principe, au début du pavé en question l’avis de l’expert est clair et exploitable ; c’est-à-dire qu’il indique précisément quels sont les désordres, les origines de ces désordres, et le montant des réparations nécessaires. Un bon rapport d’expertise mentionne également le ou les  responsable(s) de tel ou tel désordre, et donne une idée de la quote-part de chacun en cas de pluralité de responsable. Toutefois l'expert ne saurait s'ériger en juge...

B°) LA QUALIFICATION JURIDIQUE DES DÉSORDRES


… Et donc il ne lui appartient pas de dire qui a raison ou qui a tort. Il se limite exclusivement à l'avis sur les désordres, objet de sa mission, avis qu'il présente au juge sous la forme de qualification dite «Qualification technique ».

Si la qualification technique de l’expertise  relève de l’apanage de l’expert, il en est autrement pour ce qui est de la qualification juridique qui relève de la compétence souveraine du juge des référés ou de la mise en état suivant la procédure dans la quelle l’on se trouve. Cependant, « bien que les juges ne soit pas tenu par un rapport d'expertise il n'en demeure pas moins qu'ils en sont liés », rappelait le Professeur Michel CHAMAS de l'université de Montpellier lors de la 14ème rencontre des Magistrats Avocats Médecins Experts (MAME) 2018 ; car l'expertise a une utilité fondamentale, d'autant plus en matière de construction.

Par la qualification technique des désordres, le rapport d'expertise permet au juge de se situer ; afin de mieux trancher le litige. Cette règle est édictée par l’article 145 du CPC précité.
Effet, le juge, après réception du rapport final, va procéder à la qualification juridique des désordres afin de situer les responsabilités. On assiste alors à un changement de terrain de jeu car; ce qui est appelé techniquement désordre va être non seulement qualifié de préjudice mais surtout chiffré en montant et mis à la charge du responsable dudit désordre. Généralement soit la responsabilité du maître d’œuvre est engagée, soit elle est écartée.

In concreto, le juge va rechercher si le ou les désordres relevés rendent l'ouvrage impropre à la destination ; le cas échéant il retient la responsabilité de l'assureur décennal, au cas contraire il l'écarte pour en retenir celle qu'il convient.
Du côté du demandeur, le plus important est de savoir si les désordres dont il se plaint sont constatés et s’ils sont évalués. Généralement, c’est le cas, donc il n'y a pas de problème à ce niveau, surtout lorsqu'on est dans le cas d’une responsabilité décennale ; étant donné que les constructeurs sont solidairement responsables dans ce cas là. Néanmoins l'avocat veille à ce que tous les désordres allégués et ayant fait l'objet d'expertise soit pris en compte par le juge. En cas d'incident à ce niveau, l'avocat dépose des conclusions en incident afin de défendre les intérêts de son client, maître d'ouvrage. Sinon il ne reste plus qu'à se faire indemniser des préjudices. Là encore, le rôle d'un avocat s'avère primordial, car même si les compagnies d'assurance acceptent facilement les décisions judiciaires qui, de toute façon leur sont opposable, ils sont d'une réticence incontestée dans le règlement des sommes dues.

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